C’est la fin du règne de George II, en guerre depuis trois ans contre la France de Louis XV. Dublin est alors la deuxième ville du royaume et la cinquième d’Europe.
Jonathan Swift, Doyen de Saint-Patrick et créateur de Gulliver, vient de mourir. La brasserie des Rainsford, située à la porte Saint-Jacques, à l’ouest des murs de la ville fortifiée, périclite.
Le 31 décembre 1759, un jeune brasseur de 34 ans, Arthur Guinness, paye £ 100 d’acompte et signe un bail de 9 000 ans, au loyer annuel de £ 45, soit l’équivalent de 13 000 euros d’aujourd’hui. C’est à ce moment que l’une des plus célèbres bières au monde allait être brassée pour la première fois.
Ce stout, devenu l’un des symboles de l’Irlande aux côtés du trèfle et de la harpe, adopta en 1862 sur ses étiquettes la harpe de Brian Boru, conservée à la bibliothèque de Trinity College. La harpe y apparaît avec sa table d’harmonie à gauche. Comme la harpe est aussi l’emblème officiel de la République d’Irlande, le gouvernement a dû l’inverser, avec sa table à droite, en raison du dépôt antérieur par Guinness.
Très vite, Arthur Guinness se limita à produire uniquement la porter, la bière « noire » que l’on connaît aujourd’hui. Produite dans 49 brasseries, elle est vendue chaque jour à raison de 10 millions de verres dans plus de 150 pays.
Les seuls ingrédients utilisés sont l’orge irlandaise maltée pour ses sucres spéciaux, l’orge torréfiée pour sa teinte rubis profonde, le houblon pour sa saveur amère, et la levure pour la mousse crémeuse, sans oublier l’eau des montagnes du Wicklow.
La Guinness arrive sur le continent lorsqu’un officier de l’armée de Wellington, blessé à Waterloo, écrit : « J’ai ressenti un désir extraordinaire pour un verre de Guinness. Je n’oublierai jamais à quel point je l’ai apprécié. Je suis sûr que cela a grandement contribué à renouveler ma force. »