Luxe

Christian Dior, le roi de la haute couture

« Nous savons que, des civilisations, c’est le périssable qui demeure », écrivait Christian Dior évoquant la mode et « ce que l’on pourrait appeler la beauté qui passe ». Cela résume aussi la vie de cet immense couturier qui meurt à 52 ans, seulement dix ans après la création de sa maison de couture. Dix ans de talent et d’éblouissante fécondité.

Cet homme dont Cecil Beaton disait que « ce Watteau des couturiers contemporains » s’apparentait « à un aimable curé de campagne, en massepain rose » est à la fois un nostalgique du passé et un visionnaire, admirateur du couturier britannique Edward Molyneux et de Mademoiselle Chanel, créateur certes, mais qui n’oublie pas les exigences de la technique ni les caractéristiques de chaque étoffe. Passionné de fleurs et de musique, pudique et discret, timide et modeste malgré son immense succès, il est convaincu que notre civilisation est un luxe qu’il faut défendre.

Il aime rappeler que : « Le couturier propose, mais la femme dispose. »

Et, à ceux qui croient que tout est fantaisie ou caprice dans son métier, il répond, connaissant la responsabilité de celui qui a créé une entreprise :

« À chaque collection, je risque le salaire de neuf cents personnes. »

Enfant gâté de la bourgeoisie provinciale, neveu d’un ministre du Commerce et de l’Industrie, ancien élève, sans diplôme, de Sciences Po, lié aux écrivains, musiciens et peintres de son temps, il ouvre deux galeries d’art contemporain financées par son père, un riche industriel de Granville dont la faillite mettra un terme à cette aventure.

Il devient illustrateur pour Le Figaro, dessinateur de croquis de mode qu’il vend aux maisons de couture, puis modéliste chez Robert Piguet. Maraîcher par obligation pendant quelques mois sur la Côte d’Azur, il est, de 1941 à 1946, styliste, avec son ami Pierre Balmain, chez Lucien Lelong.

Il a 42 ans lorsque l’industriel du textile, Marcel Boussac, l’homme le plus riche de France, l’aide à s’installer au 30 de l’avenue Montaigne. 

12 février 1947, dans une France où sévissaient vie chère, restrictions et rationnements, il présente sa première collection, Corolle, dont la ligne se veut « typiquement féminine et faite pour mettre en valeur celles qui les portent » : buste moulé, taille creusée, hanches accentuées, jupes allongées, robes du soir « largement et doucement décolletées ». « Such a new look ! », lui déclare Carmel Snow, la rédactrice irlandaise du magazine new-yorkais Harper’s Bazaar.

Scandale, polémique, mais succès immédiat, fulgurant, planétaire ! Il crée son premier parfum, Miss Dior, « née de ces soirs de Provence traversés de lucioles où le jasmin vert sert de contre-chant à la mélodie de la nuit et de la terre », et ainsi nommé en hommage à sa sœur, Catherine Dior, résistante, revenue d’Allemagne après neuf mois de déportation. Son ami du Figaro, René Gruau réalise les premières publicités. Dior reçoit, en septembre 1947 l’Oscar de la mode aux États-Unis. Paris est redevenue la capitale de la mode !

Il ouvre une filiale sur la 5e Avenue, lance un second parfum, Diorama et reçoit la Légion d’honneur.

Il  présente sa collection à la reine Elizabeth et crée une robe pour les 21 ans de sa fille, la princesse Margaret. Sa maison n’existe que depuis 4 ans, il emploie 900 personnes. Il ouvre à Londres, collabore avec le chausseur Roger Vivier, publie un Petit dictionnaire de la mode et son autobiographie, lance Diorissimo, inspiré du muguet de son château de La Colle Noire, et fait la couverture du magazine Times, avant de mourir, le 24 octobre 1957, d’une crise cardiaque à Montecatini-Terme, en Toscane. 

Son assistant, Yves Saint Laurent, qui n’a que 21 ans, devient le directeur artistique de Dior.

Il aura créé vingt-et-une collections, de la ligne Corolle à la ligne Fuseau, qui présente une robe-fourreau, souple, effleurant hanches et poitrine sans marquer la taille. Avec des collections comme Verticale et Oblique en 1950, Tulipe et Vivante en 1953, A et Y en 1955, Flèche et Aimant en 1956, il a assuré la moitié des exportations de la couture française aux États-Unis.

Son ami, James de Coquet, disait justement : « Dior vint et bouleversa la mode en créant des robes dont personne ne pouvait plus ignorer qu’on les portait. » Et, apprenant sa mort, son autre ami, Jean Cocteau écrira : « Christian Dior rayonnait de cette gloire immédiate dont la France a besoin pour que ses gloires secrètes mûrissent à l’ombre. Sa bonté valait le charmant génie avec lequel il transcendait les frivoles impératifs de la mode. Ce prince de la lumière connaissait et respectait les princes de l’ombre. »

Roger Vivier

Le succès est tel qu’il abandonne l’École à dix-neuf ans, mais ses études le marqueront : il n’oubliera jamais que la pureté de la ligne doit précéder l’exubérance de la décoration.

Il décide d’apprendre le métier de bottier dans différentes entreprises. À vingt-trois ans, il est engagé par la filiale française de la tannerie rhénane Heyl-Liebenau, qui lui demande de promouvoir leurs peausseries.

En 1937, il ouvre son studio de création rue Royale et dessine pour de nombreux fabricants dans le monde, dont le grand bottier américain, Herman B. Delman. « Êtes-vous fou ? » lui demande celui-ci, lorsqu’il découvre la conception de Vivier d’un soulier à semelle de liège compensée, qu’il juge trop « orthopédique ». Mais Elsa Schiaparelli, toujours friande des extrêmes de la mode, inclut ces plates-formes de Vivier dans sa collection de 1938. Rassuré, Delman obtient l’exclusivité mondiale des créations de Vivier…

Quand les Allemands occupent Paris, Roger Vivier part à New York où il travaille étroitement avec Delman. Mais frustré par la pénurie de matières, il se tourne vers la chapellerie et ouvre en 1942 avec Suzanne Rémy une boutique sur Madison Avenue, appelée Suzanne & Roger.

Dès 1945, il renoue avec Delman. Il est l’un des premiers créateurs de chaussures à utiliser du plastique transparent et présente des collections entières de chaussures en plastique. Il revient à Paris après la guerre. C’est lui qui conçoit les chaussures (un petit 37…) en peau de chevreau or cloutées de rubis, symbole du mariage avec son pays, que la reine Elizabeth porte pour son couronnement.

Quel est le point commun entre Marlene Dietrich, la reine Elizabeth II, Joséphine Baker, Brigitte Bardot et les Beatles ? Les souliers de ce « Fragonard de la chaussure » que fut Roger Vivier.

N°5 de Chanel

On ne peut être plus sobre ! Un numéro presque comme un matricule, un numéro de laboratoire, et ce nom, Chanel, qui deviendra une légende dans le monde de la mode. Le flacon est d’une simplicité absolue, évoquant soit une bouteille de voyage, soit une flasque à whisky. Mais ce qui compte, c’est le parfum !

Et quel parfum ! « Un parfum de femme à odeur de femme. » En rupture totale avec tous les codes de son époque, il est résolument moderne, comme les créations de Mademoiselle Chanel elle-même. C’est le premier à mélanger 80 composants naturels avec des composés chimiques, les aldéhydes. En 1921, Ernest Beaux, l’ancien fournisseur de la cour impériale de Russie, présente ce parfum à Chanel, grâce à son amant, le grand-duc Dimitri. Après l’avoir testé sur ses clientes les plus fidèles, elle le lance le 5 mai 1921 avec sa nouvelle collection. Le succès est instantané : il devient le parfum le plus vendu au monde, avec un flacon vendu toutes les cinq secondes. En France, il reste le plus vendu pendant 82 ans !

Le parfum acquiert une dimension légendaire lorsque Marilyn Monroe confie qu’elle ne porte rien d’autre au lit. Il entre dans la collection permanente du MoMA et Andy Warhol le célèbre dans ses œuvres. Les égéries se succèdent : Marie-Hélène Arnaud, Suzy Parker, Ali MacGraw, Candice Bergen, Jean Shrimpton, Catherine Deneuve, Carole Bouquet, Audrey Tautou, et bien d’autres encore. Pour fêter son centenaire, il s’affiche même sur la façade du Musée d’Orsay. Chanel No. 5, c’est LE parfum !

RAYMOND MASSARO

Raymond Massaro, né le 19 mars 1929 dans le IIIe arrondissement de Paris, est le petit-fils d’un émigré italien des Pouilles et fils de Sébastien Massaro, un bottier dont l’atelier se trouve au 2 rue de la Paix, près de la place Vendôme. Son père, qui a déjà pour clientes la duchesse de Windsor et Marlène Dietrich, meurt de la grippe espagnole. Raymond Massaro rejoint l’atelier familial en 1947 après avoir obtenu son CAP de bottier. Il se distingue particulièrement avec Mademoiselle Chanel, pour qui il crée la célèbre sandale bicolore au bout légèrement carré et à bride élastique, conçue pour « allonger la jambe et raccourcir le pied ».

En 1967, Raymond Massaro prend la direction de l’entreprise familiale. Au cours de sa carrière, il chausse une clientèle internationale prestigieuse comprenant des figures telles que le pape Jean-Paul II, les rois du Maroc, d’Arabie Saoudite, et l’émir du Qatar, ainsi que le Maharadjah de Kapurthala, la duchesse de Windsor, les reines de Jordanie et de Thaïlande, Caroline de Monaco, Madame Pompidou, les Kennedy, André Malraux, Simone Veil, Françoise Sagan, Barbara Hutton, Elsa Schiaparelli, Ingrid Bergman, Elizabeth Taylor, Marlène Dietrich, Katharine Hepburn, Shirley MacLaine, Gina Lollobrigida, Carla Bruni, Arletty, Juliette Binoche, Annie Girardot, Fanny Ardant, Romy Schneider, Lady Gaga, Claudia Schiffer, Christophe, et Sylvie Vartan, parmi tant d’autres.

Raymond Massaro collabore également avec les plus grands couturiers du monde, dont Chanel (avec Mademoiselle Chanel puis Karl Lagerfeld), Madame Grès, Emmanuel Ungaro, Christian Dior, Christian Lacroix, Thierry Mugler, Jean-Charles de Castelbajac, Azzedine Alaïa, John Galliano, Jean-Paul Gaultier, et bien d’autres.

Les Boucicaut - Inventeurs du grand magasin

En 1852, le couple Boucicaut s’associe avec Paul Videau, propriétaire d’une mercerie située à l’angle de la rue de Sèvres et de la rue du Bac, appelée Au Bon Marché. À l’époque, cette boutique emploie une douzaine de salariés et voit son chiffre d’affaires passer de 450 000 francs à sept millions en dix ans, atteignant 21 millions en 1869.

Boucicaut introduit des méthodes commerciales novatrices inspirées des États-Unis, qu’il connaît grâce à Henry-François Maillard, un pâtissier de Mortagne-au-Perche devenu millionnaire à New York. Parmi ces méthodes, Boucicaut impose les prix fixes, la diminution des marges pour favoriser la rotation des stocks, la livraison à domicile et la possibilité pour les clients de rapporter et échanger les produits achetés.

Ces innovations effraient Videau, qui décide de se retirer en 1863. Boucicaut rachète alors ses parts grâce à un prêt d’un million et demi accordé par Maillard.

Aristide Boucicaut, fils d’un couple de chapeliers, est né à Bellême, dans l’Orne, le 15 juillet 1810. Après avoir travaillé comme marchand d’étoffes ambulant sur les marchés du Perche et de la Normandie, il s’installe à Paris. Là, il est employé comme vendeur, puis devient chef du rayon châles au Petit Saint-Thomas, une boutique de la rue du Bac fondée par Simon Mannoury, qui fait faillite en 1848.

En 1848, il épouse Marguerite Guérin, avec qui il vit depuis une dizaine d’années et tient un petit commerce de crémerie. Ensemble, ils ont un fils, Antony.

À UN AMATEUR DE CHAMPAGNE

Champagne, vin de préludes et de victoires, vin des froides terres blanches, des vendanges vertes, des cuves cerclées, des caves profondes, et des épais flacons; vin qui ne voit le jour que dans nos verres, où il ne reste pas longtemps, ce qui lui suffit pourtant pour nous éclairer et, parfois, nous illuminer.

— Stéphane Hoffmann, Les autos tamponneuses, 2011

Quand vous recevez des amis, vous préférez servir un très bon vin blanc – ou n’importe quel autre apéritif – plutôt qu’un mauvais vin de Champagne, car comme le conseillait Bussy-Rabutin, le cousin de la marquise de Sévigné: « N’épargnez aucune dépense pour avoir les vins de Champagne, fussiez-vous à deux cents lieues de Paris. »

Vous le servez frais mais pas glacé, inutile donc de lui imposer la torture du congélateur qui tuera ses arômes. Plongez simplement la bouteille, pendant 20 à 30 minutes, dans un seau empli d’eau fraîche et de glaçons, afin de l’amener à la température idéale de 6 à 9°, température qui peut être un peu plus élevée pour un vin millésimé.

Vous ne le coupez pas d’eau, comme aimait le faire le piètre gourmet qu’était Napoléon, qui «trempait» également son vin de Bourgogne. Mais, comme Barbey d’Aurevilly, vous servez ce seul vin que l’on peut boire à toute heure du jour ou de la nuit, dans des flûtes et non dans ces coupes qui massacrent immédiatement ce vin superbe, pas la coupe bête et païenne par laquelle on l’a remplacé, mais le verre élancé et svelte de nos ancêtres, qui est le vrai verre de champagne, — celui-là qu’on appelle une flûte, peut-être à cause des célestes mélodies qu’il nous verse souvent au cœur. Et vous n’accordez aucun crédit à cette charmante légende selon laquelle la première coupe aurait été moulée sur le sein de Madame de Pompadour ou de la reine Marie-Antoinette.

Vous l’ouvrez sans bruit, en tenant le bouchon d’une main et en faisant pivoter la bouteille, car c’est elle qui doit tourner. Vous évitez de le faire mousser en le servant.

Vous ne confondez pas :

  • Sabler le champagne, ce qui, au XVIIIe siècle, signifiait boire d’un seul coup, «cul sec», en avalant le vin à la vitesse où le métal fondu se jette dans un moule de sable.
  • Sabrer le champagne, qui consiste à ouvrir la bouteille avec le dos de la lame d’un sabre ou d’une dague, que l’on fait glisser sur le verre jusqu’au renflement du goulot, ce qui provoque une cassure nette et fait voler bouchon, goulot et muselet.